ZoneBoreale - page 4

MÉLISSABRADETTE
Rédactricepublicitaire
Comme l’explique Mme Gale
Helen West, professeure en
sciences de la consommation
à l’Université Laval, plusieurs
éléments influencent nos choix
lorsqu’on fait l’épicerie. En tête
de liste de ces facteurs appa-
raissent nos habitudes.
«Lorsqu’on fait l’épicerie, on a
tendanceàacheter lesmêmes
produits d’une fois à l’autre.
Par exemple, nous achetons
toujours la même marque de
lait, ou encore nous avons
notre sorte de biscuits préfé-
rés. Aussi, lorsqu’on entre au
marché d’alimentation on sait
exactement où trouver ce que
l’on veut dans les allées. C’est
pourquoi les épiceries réamé-
nagent régulièrement lesallées
et ajoutent des présentoirs de
nouveaux produits, pour sortir
le consommateur de ses habi-
tudes et l’amener à découvrir
d’autres produits », précise la
spécialiste en consommation
alimentaire.
DESSTRATÉGIESDE
VENTEBASÉESSURNOS
HABITUDES
L’utilisation des étalages en
bout d’allée fait aussi partie
des stratégies de vente asso-
ciées aux habitudes de maga-
sinagedes consommateurs.
«Les gens croient que les pro-
duits à rabais sont toujours
mis en valeur dans les bouts
d’allées. Généralement c’est
le cas, mais il peut aussi s’agir
d’une technique de vente pour
écouler des inventaires à prix
normal. Il faut doncêtrevigilant
et comparer les prix affichés.
Autre technique de même
genre, les épiceries placent
des étiquettes rouges devant
certains produits. Puisque le
rouge est une couleur que l’on
associeaux rabais, leconsom-
mateur identifiera ces produits
comme étant à prix avanta-
geux, alors qu’en réalité ils
sont à prix régulier. Là encore,
il importe de vérifier correcte-
ment les prix avant de mettre
ces articles dans son panier»,
fait valoirMmeWest.
LEPOUVOIRDESMOTS
Au-delà des habitudes, il y a
tout l’aspect psychologique qui
orientenosachats, notamment
nos valeurs et ce que nous
recherchons dans les produits
que nous consommons. Par
exemple, les personnes qui
veulent cuisiner rapidement,
sansdifficulté, sont attiréespar
les mentions cuisson rapide,
facile à cuisiner qui appa-
raissent sur les emballages.
Lespersonnesqui ont despré-
occupations pour leur santéou
la valeur nutritive des aliments
s’attarderont à des mentions
telles que faible teneur en so-
dium, sans gras, sans gluten,
choix sensé, etc. Bref, ce qui
est écrit sur l’emballage a une
forte influence sur le consom-
mateur.
En fait, les mots, notamment
lesadjectifs, exercent une forte
influencesur leconsommateur.
C’est d’ailleurs pourquoi les
stratègesenmarketingalimen-
taire utilisent des adjectifs qui
évoquent le plaisir en bouche.
Par exemple : onctueux, sa-
voureux, succulent, crémeux.
« Des études menées dans
des restaurants ont prouvé
que lorsqu’on ajoute au mets
proposé aumenu des adjectifs
évoquant le plaisir en bouche,
le choix des gens change dra-
matiquement et les ventes des
repas auxquels on a greffé un
adjectif augmentent considéra-
blement», assure Gale Helen
West. « Pour créer un impact
de mots encore plus fort, on
greffe aux adjectifs un lexique,
c’est-à-dire un ensemble de
mots utilisé pour décrire un
produit et le rendre attrayant.
Semblableàundictionnaire, le
lexiqueest créépar despanels
de dégustateurs. L’exemple
de lexique le plus répandu au
Québec est celui de la «Roue
de flaveurs de l’érable». Cette
liste qui présente l’érable dans
un éventail de flaveurs – allant
de la vanille au fruité en pas-
sant par le floral et l’herbacés
- a été élaborée à partir d’une
liste de près de 250 référen-
tiels fournis par plusieurs jurys
de dégustation. Et il ne s’agit
que d’un exemple, il existe
des roues de flaveurs pour les
fromages, le pain et plusieurs
autresproduits.Quelquesoit le
produit alimentaire, lorsqu’on
combine flaveur et un adjectif
se rapportant à la texture, par
exemple vanille onctueuse,
l’effet est très attrayant et a un
impact sur le consommateur.»
UNE IMAGE
VAUTMILLEMOTS
Pour accroître l’impact des
mots, les spécialistes en mar-
keting alimentaire accolent à
ceux-ci une image forte qui il-
lustre la sensationdebien-être
et de satisfaction que procure
le produit. Par exemple, une
image d’une personne prenant
une bouchée et dont le visage
semble ravi.
La présentation du produit en
image passe aussi par le sty-
lisme alimentaire. À ce cha-
pitre, certains aliments sont
plus faciles que d’autres à
rendreattrayant.
«Un filet de porc est facile à
présenter de façon alléchante
lorsqu’on le place dans une
belle assiette bien mise en
place. Dans certains cas,
l’apparence du produit compte
moins, à condition que le goût
soit là. C’est le cas, entre
autres du Big Mac, même s’il
est moins beau qu’en image
lorsqu’on le déballe, ce point
n’est pas important, puisqu’il
a le goût auquel on s’attend.
Par contre, il est plus difficile
de rendre les fruits et légumes
attractifs. Souvent les sty-
listes culinaires vont tenter
de mettre l’aliment en action
pour attirer l’attention, mais ce
n’est pas toujours évident. Pour
rendre les fruits et légumes plus
« sexy » l’entrepriseBolthouse
Farm a créé le foodporn (por-
nographie culinaire). Elle a
même mis en ligne un site qui
montre comment vendre les
aliments moins sexy aux yeux
du consommateur, sans pour
autant tabler sur leur aspect
santé», souligneMmeWest.
TENDANCES
ÀSURVEILLER
Lesmotset les imagessont les
tendances actuelles les plus
marquantes, mais le marke-
ting alimentaire se développe
de plus en plus de manière à
susciter directement les sens.
En effet, on constate que de
plus en plus de techniques
utilisant les odeurs et les sons
sont mises de l’avant. Par
exemple des sons de nature
dans la section des fruits et
légumes frais, une odeur de
pain frais à la boulangerie, un
son de mer à la poissonnerie,
etc. Certaines compagnies
utilisent même des détecteurs
demouvement dans les allées
pour amener les consomma-
teursàs’intéresser à leurspro-
duits. Par exemple, lamusique
de la publicité se met à jouer,
ou une odeur caractéristique
du produit se dégage lorsque
le détecteur de mouvement
se déclenche. Très bientôt,
les saveurs s’ajouteront à cet
amalgame de stratégies mar-
keting.Cette tendanceest déjà
commencée aux États-Unis.
Par exemple, V8 a créé des
languettes qui sont distribuées
dans les grands magazines.
Lorsqu’on place une languette
sur notre langue, elle fond et
ça goûte le V8. La capacité
de jouer avec les saveurs arti-
ficielles va ouvrir des possibi-
lités incroyables pour la vente
dans un futur rapproché. L’ex-
pertise dans ce domaine va
grandissante et puisque nous
sommes dans une économie
d’échelle, plus les offres de
firmes demarketing sont nom-
breuses dans ce domaine plus
les technologies et les prix
seront accessibles pour l’in-
dustrie», affirme la spécialiste
en consommation alimentaire
et enseignante à l’Université
Laval.
«Les entreprises alimentaires
s’attardent aussi
beaucoup
aux stratégies de ventes qui
leur permettront d’attirer les
baby-boomers, puisqu’ils re-
présentent une part de mar-
ché importante. Pour ce faire,
elles utilisent notamment des
images intergénérationnelles.»
COMMENTFAIRE
UNCHOIXÉCLAIRÉ?
Comment le consommateur
peut-il faire un choix de pro-
duit éclairé lorsqu’on sait que
derrière chaque aliment se
cache une stratégie marke-
tingétudiée?«En se fiant à la
table des valeurs nutritives et
en favorisant l’achat de pro-
duits frais et locaux », affirme,
sans hésiter, MmeWest. « La
table des valeurs nutritives
demeure le meilleur indica-
teur. Il faut surtout porter une
attention à la teneur en sel,
en sucre et en gras. Si les
aliments contiennent moins
de 15%de sel, de sucre (glu-
cides) et de gras, c’est un bon
choix de produit. En ce qui a
trait à l’achat local, le fait de
faire affaire avec des petits
producteurs qui ont une pro-
duction à proximité assure
une meilleure fraîcheur»,
conclut la professeure en
sciences de la consomma-
tion.
LECAHIER
Lemarketingalimentaire
Entre ceque l’onpréfère
et cequ’onachète
Étalages garnis et ordonnés, présentoirs de nouveaux produits, visuels soignés, mots al-
léchants sur l’emballage, étiquettes rouges, décors et ambiances qui éveillent les sens,
odeurs appétissantes, publicités accrocheuses… Les stratégies utilisées par l’industrie
agroalimentairepour influencer lesconsommateursdans leurschoixdeproduitssontnom-
breuses, et les techniques utilisées en marketing alimentaire sont de plus en plus pous-
sées. Maisqu’est-cequi influence réellement nosachatsalimentaires?
D4- lePROGRÈS-dimanche,LE26MARS2017
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